Si j’aime polémiquer, débattre et partager, je me résous aujourd’hui à me dévoiler un peu plus. Un drame familial, la mort de mon père, me pousse à écrire ces quelques lignes. Je ne réfléchis pas trop en les écrivant, mais invite celles et ceux, connaissance pareille douleur, à ne pas hésiter à en témoigner.
Eric. 15 Janvier 2019.
La mort de ses parents, une épreuve insurmontable, une peine incommensurable
Alors que nous sommes encore dans un moment « festif » (la tradition veut que le mois de janvier soit le mois des vœux, ces bonnes résolutions que l’on affiche à celles et ceux qui nous entourent), je suis encore dans le chagrin. Tristesse d’avoir perdu mon papa le 28 décembre 2018. A 80 ans, il aura attendu de pouvoir fêter une nouvelle fois Noël en famille pour s’éteindre. Autant dire que ces fêtes de fin d’année portent bien mal leur nom, et que désormais le réveillon aura un gout amer dans la famille. Je ne suis pas du genre à afficher mes sentiments, mais quand même quelle peine et quelle tristesse. Un grand vide s’est fait jour, et la mort d’un parent reste une épreuve douloureuse même si naturelle et le plus souvent inéluctable. Je n’ose même pas imaginer l’inverse, quand des parents sont contraints d’accompagner leur progéniture vers leur dernière demeure. Mais revenons au sujet qui nous intéresse aujourd’hui. La mort de ses parents ou d’un d’entre eux reste un drame indicible. C’est un repère, qui disparait, un guide, qui devient invisible, un amour, qui prend une autre forme. C’est mon père, qui a fait, en partie, qui je suis aujourd’hui. Inutile de tourner autour du pot, de s’interroger sur le déterminisme ou d’autres questions philosophiques. Les parents participent grandement à notre construction, et les images me reviennent par vagues.
Le décès d’un père, une réalité à affronter, un avenir à imaginer
Je me souviens de cette tendresse, que mon père m’apportait alors que son métier était toujours aussi exigeant. Loin de moi, il n’était jamais très éloigné de mon cœur. Je n’aurai pas la vanité d’affirmer que la relation père – fils était parfaite dans l’absolu, mais elle l’était pour moi. Je vénérais (sans lui dire bien sûr, triste conséquence d’une éducation encadrée) cet homme, qui a toujours agi pour le bien des siens. On comprend trop tard ce genre de réactions, et je m’en désole.je me souviens de discussions (certains auraient préféré le terme d’engueulade) passionnées et passionnantes, au cours desquelles il me faisait passer des messages, de véritables leçons de vie. Ici l’avantage de l’âge prend tout son poids. Quand je n’avais que 20 ans, il m’expliquait que la précipitation était mauvaise conseillère, et que si nous devions tous profiter de la jeunesse, nous devions également construire notre avenir.
Bien sûr, je n’ai pas un jugement objectif, et je me battrai pour imposer l’exemplarité de mon papa. Il nous aura épargné la déchéance et les hospitalisations, puisqu’il est parti soudainement. Une mort subite, comme les médecins l’appellent (alors que je croyais jusque-là que la mort subite était réservée aux nourrissons) chez lui, un matin après le réveil. Il aura eu le temps d’embrasser ma mère, qui aura passé 55 ans avec lui. 55 ans de mariage, et j’imagine que le couple a du en traverser des crises pour durer. Mais toujours dans la discrétion et la sagesse. Mes parents étaient aimants entre eux et vis-à-vis de leurs enfants, et c’est cela que je garde de lui.
Perdre son père nous plonge (et à 49 ans, je ne peux plus prétendre bénéficier de cet avantage de l’âge) dans un monde peuplé de doutes et de mystères. Je n’ai plus son épaule pour me reposer, ses conseils ne sont plus et je me sens perdu. Cela me renvoie aussi (mais de cela nous parlerons une prochaine fois) à ma propre mort, et aux dégâts que mon grand départ pourra causer à ma fille.
C’est donc une épreuve difficile, que je surmonte et pourtant comme nous disons tous « La vie doit continuer ». Je dois me construite un avenir sans père, comme beaucoup d’autres l’ont déjà fait. Moi, qui vit dans la nostalgie de ces bonheurs passés, me voilà bien embarrassé.
La mort de mon père m’a foudroyé. Ma fille s’alarmait de me voir pleurer (« Dis Mamie, pourquoi papa il pleure comme ça ? Il est malade ? « ). Nous ne sommes plus dans le paraître, nous ne sommes plus dans le politiquement correct mais dans la vie et le ressenti. Les émotions ressortent, les souvenirs réapparaissent, et c’est à ce moment-là que commence le début des premières fois. Mon premier anniversaire sans papa pour me le souhaiter, c’était il y a quelques jours ? Les premières vacances familiales passées sans mon père, ce sera pour dans quelques semaines ? Un repas de famille sans la voix douce de papa, ce sera pour bientôt ? … Toutes ces premières fois qui nous rappellent la disparition de l’être aimé. C’est peut-être là que la difficulté réside.
Et que dire des tracasseries administratives et des formalités liées aux obsèques. Avec mes deux frères, nous avons pu épauler, comme nous le pouvions, ma mère, dont la douleur est incomparable à celle que nous ressentons. Je verrai bien comment je ressortirai de cette épreuve, mais un lien s’est brisé définitivement, sans aucune possibilité de retrouver ce supplément d’âme que constituait la présence de mon père. Je ne suis pas le seul, et comme je l’ai déjà écrit, je ne suis pas là pour me plaindre, mais je voulais, à travers ces quelques lignes, lui dire combien je l’ai aimé et combien je continue à l’aimer. Car après tout c’est aussi cela que représente la mort de son père, la prise de conscience que les mots ont un sens, et que nous ne devons pas éprouver gène ou pudeur à clamer notre amour à ceux et celles que nous aimons. Il est trop tard maintenant, mais oui Papa je t’aime.